La responsabilité du directeur d’établissement

La responsabilité du directeur d’établissement

Devant ce qu’ils considèrent comme de la maltraitance, en tout cas des dysfonctionnements de l’établissement, les proches aidants peuvent avoir la volonté d’engager la responsabilité du directeur à propos de la manière dont l’Ehpad est géré. Pour peu qu’advienne un accident ou un décès, le pas est franchi. Mais afin d’éviter une procédure longue et douloureuse, il y a lieu de clarifier le contour de la responsabilité du directeur.

Un représentant mais plusieurs intervenants

Le directeur représente un établissement dans lequel interviennent plusieurs acteurs : il n’est pas le seul intervenant. Il doit prendre en compte les intérêts comme la responsabilité de chacun.

D’autres résidents et leurs familles peuvent être parties prenantes avec leurs faiblesses et notamment la perte d’autonomie, le trouble du discernement qui peuvent conduire à des comportements préjudiciables à eux-mêmes ou aux autres résidents.

Le personnel soignant comme le médecin coordonnateur ou l’infirmier diplômé d’État a une responsabilité spécifique selon sa déontologie professionnelle, comme le secret médical ou dispenser des actes médicaux conformes.

Le personnel administratif, comme une secrétaire, ou technique, comme les aide-soignants et le personnel de restauration, sont des salariés. L’établissement est responsable de leurs agissements, sauf faute lourde et personnelle, commise en dehors des obligations du service. Il en est de même pour les bénévoles qui peuvent désormais intervenir officiellement depuis la loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015.

Le directeur lui-même n’est personnellement responsable que des fautes lourdes qu’il aurait pu commettre en dehors de ses obligations professionnelles, comme du harcèlement ou des violences à l’égard des résidents ou du personnel.

Ainsi, le vrai responsable est l’établissement. En général pour un établissement privé, la société ou l’association qui le gère. Il sera pris en charge par son assureur. Le directeur reste cependant en première ligne et doit répondre des dysfonctionnements qu’il constate dans son établissement ainsi que des fautes qui sont commises, mais il est rarement la seule personne en cause.

Les différentes formes de la responsabilité du directeur

Le directeur doit faire face à plusieurs domaines de responsabilité. Nous ne nous préoccuperons pas de la responsabilité dans l’organisation de l’établissement et sa gestion technique, administrative et financière, qui relève des organismes payeurs comme l’Agence Régionale de Santé et le conseil départemental. La loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a apporté des précisions à la loi du 2 janvier 2002, mais du point de vue du professionnel principalement. Comme auparavant, le proche aidant a le choix de mettre en cause la responsabilité contractuelle, civile ou bien pénale du directeur qui représente l’établissement.

La responsabilité contractuelle vise les infractions commises par le non-respect du contrat d’hébergement et de service. Il relève du droit civil et peut être sanctionné par le droit de la consommation. Un médiateur doit être proposé afin de résoudre les petits litiges. Dans le domaine du contrat d’hébergement, ce médiateur est instauré depuis 1999, mais son usage est peu connu.

Les cas de responsabilité de l’établissement sont le non-respect des obligations contractuelles, la non-délivrance des prestations prévues au contrat, le non-respect de la tarification annoncée.

Le contrat en maison de retraite n’est pas seulement un contrat d’hébergement. Particulièrement en Ehpad, il est aussi un contrat de soin : les soins prévus au financement doivent être dispensés. L’établissement a l’obligation de délivrer les médicaments, les actes médicaux et paramédicaux prescrits.

La responsabilité civile vise une faute en dehors du contrat. Le plaignant devra prouver une faute, un préjudice en relation directe avec la faute. Ce peut être une faute volontaire, mais aussi une imprudence ou une négligence. Le directeur, au nom de l’établissement devra justifier qu’il a pris les moyens appropriés et proportionnés afin d’assurer la sécurité de chaque résident pris individuellement. Il a un devoir de prudence afin de prévenir les chutes, les fugues, le défaut de soins, l’erreur médicale, la maltraitance, les vols, etc. et ce, pour chaque catégorie de personnes présentes dans l’établissement.

De même, la faute pénale, destinée à punir l’auteur de l’infraction, sera difficile à démontrer. Les fautes qui peuvent être invoquées touchent la personne : l’homicide ou les blessures involontaires, voire même volontaires, l’abus de faiblesse, les violences sur personnes vulnérables, la non-assistance à personne en danger. Ces deux dernières infractions devraient souvent être constituées, notamment en raison de la tolérance des petites maltraitances qui causent souvent préjudice au résident et à ses proches. La faute pénale peut aussi relever de la déontologie, violation du secret médical, ou être constituée par l’atteinte au patrimoine de la personne : vol, escroquerie, abus de confiance.

Les limites de la responsabilité du directeur

Il a une obligation de moyens mais pas de résultat en matière de sécurité.

Les difficultés de preuve : en matière contractuelle, comme pour la faute civile, le demandeur doit prouver les manquements. Or, ceux-ci sont parfois minimes : vêtements abîmés, prestations financées alors qu’elles ne sont pas délivrées, comme les exercices avec le kinésithérapeute ou la participation aux animations au motif du respect de la volonté de la personne, le manque de stimulation, sont des fautes dans la gestion régulièrement reprochées au directeur. Il n’y a pas dans ce cas l’appui de la police ou d’un juge d’instruction pour établir l’infraction et le plaignant est bien démuni.

Le directeur a un devoir de prudence et de diligence. Il doit contrôler son personnel et veiller à ce que ce dernier ait un comportement correct. Mais il est soumis à des impératifs contradictoires. Il doit en même temps respecter la volonté de la personne, sa liberté d’aller et venir, tout en assurant sa sécurité pour prévenir les chutes et les fugues. Cette nécessité d’assurer la sécurité du résident amène souvent le directeur à restreindre la liberté de la personne. En tout cas, il ne doit jamais porter atteinte à sa dignité.

Les juges examinent ses obligations au cas par cas. Le directeur doit, en fonction de la situation de la personne prise individuellement, justifier avoir pris des mesures appropriées et proportionnées.

Les petits manquements qui causent tellement de souffrances sont difficilement prouvables et repérables.

Pour engager la responsabilité du directeur, il est important de bénéficier de l’assistance d’un assureur et d’un avocat qui aideront à la prise en charge de la procédure. Dans le cadre de l’assurance de responsabilité civile qui est obligatoire à l’entrée de la maison de retraite, ne pas omettre de prendre une assurance qui garantira les dommages subis par la personne si elle se les cause à elle-même et une protection juridique qui donnera le soutien d’un assureur en cas de besoin d’engager la responsabilité de l’établissement. 

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