Partie 1 – Elisabeth, une aidante qui a su s’occuper d’elle pour tenir le coup !

Partie 1 – Elisabeth, une aidante qui a su s’occuper d’elle pour tenir le coup !

Elisabeth a 75 ans. Elle vit à Paris avec son mari Georges qui depuis 4 ans est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il est également atteint de sénilité et de démence. Elle a fait le choix, pour le moment, de s’en occuper seule sans aides extérieures mais elle a su aussi prendre soin d’elle et s’accorder du temps. Elle a la chance d’être très entourée par sa famille. Ses enfants et petits-enfants sont très présents. Même s’il y a des hauts et des bas, ses espaces de répit autour de nombreuses activités lui permettent sans doute de trouver un équilibre entre sa vie personnelle et son rôle d’aidante.

Elisabeth, comment avez-vous réagi à l’annonce du diagnostic il y a 4 ans ?

Sur le coup, ça a été très dur. Avec mon mari, on avait une vie bien remplie. Nous étions très actifs. On avait une maison en Normandie et on y allait très souvent en voiture. On avait un cheval aussi. On adorait y aller et s’en occuper. On avait une belle vie. Mais dès que le diagnostic est tombé, je me suis dit : « et bien tout ça, c’est fini ».

Vous savez, je travaillais dans le milieu médical alors j’ai tout de suite compris qu’il n’y avait rien à faire et que la situation n’allait pas aller en s’arrangeant. Il est suivi régulièrement à l’hôpital. Le traitement qu’il prend l’a stabilisé mais quand même, ça se dégrade de plus en plus. Il ne marche presque plus, il ne parle plus. On allait souvent faire des balades mais maintenant ce n’est plus possible.

Et puis rapidement, les médecins m’ont dit qu’il ne fallait plus qu’il conduise. Moi-même je m’en étais rendu compte. Alors, on a dû vendre la voiture et la maison en Normandie car on ne pouvait plus y aller. Je ne conduis pas. Ça aussi, ça a été dur à digérer car du coup, ce qu’on aimait faire tous les deux, ce n’était plus possible.

Quand il y a eu le diagnostic, j’ai tout de suite été très pessimiste. J’avais raison car depuis, la maladie a fait son chemin. Mais je me suis fait une raison. Je me suis résignée. De toute façon, que peut-on faire ? Rien. Il faut accepter les choses. Vous savez, on avait une vie aisée, on était heureux. Ça me fait beaucoup de mal, alors quand j’y repense, je m’active pour oublier.

Depuis 4 ans, vous vous occupez de votre mari toute seule, sans aides extérieures. Comment faites-vous pour tenir le coup ?

Je fais comme avant. Je m’occupe de la maison et de lui. Le matin, je l’aide à faire sa toilette, puis je l’aide à s’habiller. C’est vrai que j’ai de la chance car il est très calme. Il reste à la maison. Il lit toute la journée la même page mais ce n’est pas grave. Du coup, je peux sortir faire les courses et aussi mes activités. Bon je ne m’absente jamais très longtemps mais ça se passe bien. Je n’ai pas besoin d’une femme de ménage. Qu’est-ce-que ça m’apporterait ? J’y arrive bien toute seule. Mais c’est vrai que ce ne serait pas possible s’il était agité ou agressif. Quand je sors, c’est l’histoire d’une heure. Quand je travaillais, c’était pareil, je m’occupais aussi de mon appartement, des courses et tout le reste. Alors je continue.

Pour tenir le coup, je me suis organisée pour la maison et mes activités à l’extérieur plusieurs fois par semaine. Pour moi, sortir, faire des choses à l’extérieur, c’est indispensable. J’en ai besoin. C’est vital pour moi. C’est ma bouffée d’oxygène.

Je me lève à 6 heures du matin, je me suis toujours levée tôt. Et à 10 heures tout est fait. Et en plus, ça m’occupe. Je suis active. Il faut que je fasse des choses. Quand je suis à la maison, je fais des mots croisés, des mots mêlés, j’écris des lettres, des mots dans mon cahier. Je fais des multiplications aussi. Ça me permet de ne pas oublier. Je fais travailler ma mémoire.

Et puis, 3 matinées par semaine, je vais à l’espace senior où je fais du fauteuil relaxant pendant 15 minutes. Ça me désensibilise, ça me fait du bien. Quand je redescends du fauteuil, je me sens détendue, ça me donne un certain bien-être. Et puis je participe aussi à des réunions avec une psychologue une fois par mois. C’est bien, on peut dire ce que l’on pense, on se sent compris. Ça libère un peu. Le problème, c’est qu’au début, je voyais des femmes qui étaient épuisées après plusieurs années avec leur conjoint ou leur parent. Moi j’arrivais, c’était le début de la maladie. Du coup, j’ai vu ce qui m’arriverait dans quelque temps. Je pouvais pas imaginer qu’un jour j’allais être comme elles, désemparées, épuisées. Je fuyais, je ne voulais pas croire que ça m’arriverait à moi. C’est pour ça que je fais plein d’activités. Pour ne pas sombrer.

Je fais aussi des séances de sophrologie une fois par mois. On fait des exercices de relaxation, on se détend. Ça me fait du bien. Je m’en sers aussi à la maison. Quand je sens que je vais être angoissée, je refais les exercices.

Et puis je fais du bénévolat dans un EHPAD que j’ai commencé il y a longtemps, bien avant la maladie de mon mari. En fait, j’anime pour les résidents des ateliers de mémoire, de dessin, on fait des jeux de société. On parle. Les résidents, ça les occupe plutôt que de regarder par la fenêtre toute la journée ! Et moi, ça me fait du bien aussi. Je m’occupe aussi des terrasses, des plantes. Je fais participer les résidents des fois quand c’est possible.

Pour moi, ces activités, c’est essentiel. C’est mon équilibre. Maintenant, mon mari ne marche plus alors on ne sort plus. Je suis née en Bretagne, c’est ma nature d’être dehors ! Alors je me suis organisée et je fais pratiquement une activité par jour. J’en ai besoin. Si un jour, je ne pouvais plus les faire, plus sortir, je sais que je ne pourrais pas le supporter. Là, je le mettrais en établissement.

Mon fils voudrait le placer en EHPAD. Moi je persiste. Je veux le garder à la maison avec moi tant que je pourrais. Il n’est pas méchant ni dangereux. On n’a plus d’échanges mais il me reconnaît.

Chaque jour, je me dis : « Allez encore une journée de passée. Il n’ y a rien eu de grave. Tout s’est bien passé ».

L’année dernière encore on sortait, maintenant ce n’est plus possible. Tout a basculé. Ma fille vient à la fin de mois. Je ne sais pas comment elle va réagir en voyant son papa. La dernière fois, c’était à Noël. Là, ça allait encore, il marchait un peu. Maintenant, il n’y a plus de dialogue. Il ne parle plus. Moi je lui parle, je lui raconte la copropriété, ce que j’ai fait même s’il n’y a plus d’expression sur son visage, je sais qu’il comprend.

Et puis, je continue à être coquette. Je le fais pour moi. J’ai toujours été comme ça. Je m’entretiens. Je ne me laisse pas aller. Tout ce que je fais, c’est pour m’évader. Maintenant, ça passe ou ça casse. Quand je vois toutes ces dames épuisées ! C’est dommage, il n’a que 82 ans. On vit en couple mais c’est comme si j’étais toute seule.

Retrouvez la seconde partie du témoignage d’Elisabeth en cliquant ici.

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