La fiducie : un nouveau moyen d’organisation des patrimoines

La fiducie : un nouveau moyen d’organisation des patrimoines

Le rapport de la mission interministérielle déposé en septembre 2018 ouvre la possibilité de faire appel à la fiducie comme nouvelle technique de gestion du patrimoine d’un majeur protégé. Il s’agit d’une grande nouveauté en droit français qui ouvre d’autres perspectives aux aidants et leurs proches. En quoi consiste-t-elle ?

Qu’est-ce que la fiducie ?

La fiducie a été introduite en France, dans le code civil, par la loi du 19 février 2007. Elle est définie comme « un contrat par lequel une personne, nommée “le constituant” transfère tout ou partie de ses biens à une autre personne, “le fiduciaire”, à charge pour celui-ci d’agir au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.»(1).

Concrètement, le constituant affecte par contrat son patrimoine à un fiduciaire, tiers de confiance, qui reçoit les pouvoirs de gestion et d’administration au profit d’un bénéficiaire. Mais le fiduciaire peut recevoir aussi le pouvoir de disposition sur ce patrimoine d’affectation, comme s’il en était propriétaire. Cette transmission patrimoniale peut être temporaire, à charge de restituer le bien, mais peut servir aussi à assurer une gestion dynamique, par un professionnel qualifié, pouvant servir des revenus et organiser la transmission du patrimoine selon ce qui sera défini par le contrat.

La fiducie présente le grand intérêt de sécuriser, non seulement les revenus issus du patrimoine d’une personne dépendante mais aussi sa propriété. En cas d’abus de faiblesse, elle peut éviter une mesure de protection judiciaire, privative de liberté.

Dans quel cas recourir à la fiducie ?

Cette technique est appropriée seulement pour les patrimoines importants. Le coût de ces contrats n’est pas négligeable. Car du côté du constituant, la fiducie impose de faire appel à des professionnels compétents pour la rédaction du contrat. La rédaction est libre et doit être mûrement réfléchie. En outre, le fiduciaire doit donner toutes les garanties de qualification pour la gestion et de restitution des fonds. C’est pourquoi, la loi a prévu une assurance complémentaire en responsabilité professionnelle pour les fiduciaires, notamment pour les avocats qui exercent la fonction et doivent alors souscrire une assurance spécifique. 
 

Le fiduciaire doit individualiser le patrimoine confié et le gérer en créant une comptabilité propre. Un tiers peut être nommé pour exercer le contrôle sur la gestion. 

Le contrat de fiducie doit être complété par une mesure de protection de la personne par une protection judiciaire, un mandat de protection future ou une habilitation familiale. Ce ne peut être qu’une mesure complémentaire portant exclusivement sur l’organisation du patrimoine, sous l’autorisation et le contrôle du juge de la protection des majeurs.. Ce ne peut être qu’une mesure complémentaire portant exclusivement sur l’organisation du patrimoine, sous l’autorisation et le contrôle du juge de la protection des majeurs. 

Les avantages de la fiducie

La fiducie présente d’importants avantages qui sont d’abord sa grande souplesse : par anticipation, elle peut être effectuée par n’importe quel constituant au profit de n’importe quel bénéficiaire, en particulier pour permettre aux parents d’un enfant handicapé d’organiser de manière complète, et particulièrement sûre, une gestion dynamique du patrimoine de leur enfant permettant d’éventuels actes de disposition.  

Elle porte aussi sur n’importe quel bien. Elle constitue le modèle idéal pour l’organisation du patrimoine de la personne protégée, sans avoir besoin de revenir vers le juge dès qu’une difficulté de gestion ou un besoin de disposer se présente, puisque le fiduciaire a les pouvoirs de se comporter comme s’il était propriétaire du patrimoine. 

Avec l’autorisation du juge de la protection, une personne déjà protégée devrait, elle aussi, pouvoir constituer une fiducie. La sécurité qu’apporte un contrat de fiducie bien rédigé permet de garantir la protection du patrimoine des personnes âgées ou handicapées, lorsqu’il s’agit d’un patrimoine immobilier ou d’une entreprise, tout en continuant de garantir le niveau de vie par une gestion dynamique et opportune. 

L’organisation de la protection des majeurs, sous forme de mandats, et l’obligation d’obtenir une autorisation pour les actes de disposition, ne sont pas actuellement très performantes pour assurer la gestion des patrimoines importants ou complexes. Le tuteur n’a pas la qualité pour continuer l’exploitation professionnelle de la personne victime d’un accident de la vie. Le délai pour justifier et obtenir une autorisation par le juge des tutelles est incompatible avec l’urgence et le péril auquel il faut parfois faire face. Il en résulte une perte économique importante, le temps de réorganiser la gestion ou liquider l’entreprise. 

Le rapport préconise la création, dans le code civil, d’une fiducie protection dont les contours sont à préciser en organisant des garanties spécifiques. Le contrôle de la bonne exécution du mandat peut être confié à un tiers protecteur. Pour faciliter la surveillance et le contrôle, il pourrait être créé un registre national des fiducies. 

Le droit commun, dont tous les citoyens bénéficient, doit être aménagé pour tenir compte de la spécificité de la protection des personnes vulnérables. Espérons que le législateur va donner suite à ces propositions novatrices afin que l’organisation du patrimoine des personnes vulnérables ne soit plus source de dommages irréparables pour elles-mêmes et leurs aidants. 

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