Emma P

Emma P

18 octobre 2022 23:18

Refus de soins et non assistance du médecin traitant  

Bonjour, je suis confrontée à la situation suivante : celle d'une personne âgée, ma mère, seule, isolée, en souffrance physique (aucun diagnostic n'a pu être fait puisque refus) en danger, refusant tout soin, toute aide (son seul souhait étant de mourir et cela tourne en boucle depuis des mois) et un médecin traitant référent me laissant totalement seule face à cette situation.

Ma mère donc (85 ans) vit seule. Son état physique s'est très lentement mais très sûrement dégradé en un an 1/2. Avec différentes pathologies / souffrances physiques et psychologiques. J'ai réussi à obtenir l'aide d'un médecin généraliste qui est venu début juillet 2022 (elle n'était suivie par aucun médecin auparavant) et qui est donc "devenu" son médecin traitant. Il lui a donc prescrit 1/ Analyses - Bilan sanguin 2/ Consultation PSY.  Analyses ayant pu être faites à domicile, en ma présence malgré son refus. Consultation PSY bien sûr non faite/refus.

Le bilan sanguin pas terrible (grosse inflammation mise en lumière) nous a conduites à une consultation avec un hématologue, consultation refusée de sa part mais que j'ai pu forcer en étant présente à ce RV... Hématologue qui a lui même prescrit radio et échographie. Radio et échographie non faites puisque refus total de ma mère d'une part. Je suis la seule personne à gérer cela, j'habite à 5h de transport (train), j'ai un travail... Et ma mère a toujours eu un caractère très particulier (pour être politiquement correcte) et surtout avec un seul souhait formulé depuis des mois : mourir.

Les prescriptions du médecin traitant intronisé début juillet n'ont pas été suivies : traitement anti dépresseur -> suivi mais arrêté brutalement après 2 mois (dangereux), compléments alimentaires nécessaires (non alimentation) idem. Elle a refusé de recevoir ce médecin traitant à plusieurs reprises (elle n'ouvre pas la porte)... Cela a finalement pu se faire, au forcing, début septembre.

Conclusion de ce médecin traitant : "Votre mère souhaite mourir chez elle. Elle a certainement différentes pathologies, maladie (un cancer dormant / latent ?) mises en lumière par les bilans sanguins mais comme elle refuse toute consultation / aide et s'oppose à tout soin, je ne peux rien faire. Je lui laissé mon numéro". 

OK - En parvenant à discuter avec lui, il m'apprend que pour être hospitalisée, une personne doit présenter les caractéristiques suivantes : 1/ Mettre sa vie en danger (c'est à dire attenter à sa personne -> tentative de suicide avérée) 2/ Représenter un danger/menace pour les autres.

Certes, tous les appels à la mort incessants de ma mère (prise de médicaments/ utilisation d'une arme... Refus de s'alimenter, refus d'hygiène) ne sont pas recevables car pas de passage à l'acte avéré pour une prise en charge. Donc, aujourd'hui, cette personne qui n'a pas réussi à passer à l'acte ! ne s'alimente presque plus, ne se lave plus du tout. Souffre surtout, d'une pathologie qu'on ignore et qui doit être importante. Et elle ne prend que du Doliprane ! 

Alors, certes, c'est son choix et sa "redoutable" liberté... de mourir dans la souffrance et l'indignité (après tout c'est son choix de refuser toutes les propositions qui lui ont été faites certes) mais tout de même je m'interroge face à l'attitude de ce médecin "traitant", mon seul lien, que j'ai eu aujourd'hui, je souhaitais simplement qu'il passe la voir (en ma présence bien sûr, afin que je lui ouvre la porte), une consultation après 2 mois pour faire un point par rapport à une situation alarmante (dégradation très forte en deux mois/perte de poids/alimentation minimale/souffrance physique/déplacements difficiles car plus de muscles) : "Je ne peux rien faire". "La seule issue c'est l'accident qui engendrera une hospitalisation". SIC

Ok, je vais donc pousser ma mère dans les escaliers ;-)) Bien reçu.

C'est cette réponse qui m'a mise terriblement à l'aise. En 2022, en France.

En fait, une personne de 30 ans serait dans la même situation, la question ne se poserait même pas, elle serait hospitalisée/prise en charge par des professionnels.

J'ai pris connaissance aujourd'hui sur ce site même des informations suivantes, obligations / médecin traitant (et il n'est donc pas là question d'âge) :

"Se réfugier derrière le refus d’une personne qui n’est pas en état de décider en raison d’une grande douleur et d’une dépression chronique n’est pas possible au médecin, car bien souvent la souffrance et la dépression l’empèchent de prendre une décision éclairée. Il doit améliorer son confort de vie en soulageant sa douleur physique et psychique, ce qui lui permettra ensuite de faire accepter un soin plus complet. Il a l’obligation de lutter contre le repli sur soi, contribuer à l’organisation d’un environnement structuré en fournissant les certificats médicaux pour obtenir les aides, anticiper avec les proches pour leur mise en place."

Si mon témoignage, mon désarroi, ma sidération face à cette situation peuvent faire écho... 

Et si je peux obtenir un retour d'expert, j'en serai très heureuse.

Réponses
2 messages de membres 2 messages d'experts

julien david

19 octobre 2022 16:12

Refus de soins et non assistance du médecin traitant  

Même problème avec le social et médecin traitant et urologie refus les soins hospitalisation a domicile et aide soignante problème autosondage et sondage a demeure 

Isabelle Charret Médecin gériatre 20 octobre 2022 9:46

Refus de soins et non assistance du médecin traitant  

Bonjour Emma,

Votre exposé est suffisamment clair pour tenter d’apporter quelques réponses aux différentes questions soulevées par cette situation.

Votre maman a décidé de terminer là sa vie, même si aux yeux de la gériatrie, elle n’est pas encore si « vieille »…

Recherche diagnostique ?

Vous dites que la situation se dégrade depuis un an et demi, donc ce n’est pas une réaction brutale comme suite à l’annonce d’un diagnostic fatal (par exemple). Un an et demi c’est très long, aussi, qu’attend t’on d’une recherche diagnostique ? Des investigations à la recherche d’un diagnostic aussi imprécis qu’improbable ne serviraient qu’à l’affaiblir plus, aller contre sa volonté : cancer profond ? (vous ne mentionnez pas de signes d’appel particuliers-saignements , vomissements et autres), diagnostic de maladie psychiatrique ? (la dépression en fait partie, la maladie bipolaire …) etc etc … NON :

L’hypothèse la plus probable est qu’elle amincit progressivement sa corde de vie et en médecine gériatrique c’est quasi impossible de comprendre pourquoi certaines personnes âgées choisissent d’emprunter ce chemin : glissement, désir morbide, épuisement de la résilience ? Et aussi : qui vous dit que votre maman ne sent pas que quelque chose se passe en elle et qu’elle ne veut pas qu’on fasse quoique ce soit ?

Attitude souhaitable

Vous faites référence à l’hospitalisation d’office ou hospitalisation sr demande d’un tiers qui s’applique à la psychiatrie. On oublie !

C’est vrai qu’on ne peut forcer personne à aller à l’hôpital et que bien souvent on a recours à cette phrase : « il faut attendre un accident ». Cela s’applique par exemple à des personnes qui refusent de prendre un traitement, qui s’enferment seules chez elles refusant que quelqu’un vienne les aider mais, même si ce n’est pas ce qu’il y a de meilleur pour elles, on ne peut que respecter leur souhaits sauf s’il y a danger pour l’entourage par exemple menace d’explosion de gaz ou autre chose grave et là on est un peu plus coercitif ! Mais souvent, il faut un événement extérieur pour accélérer une prise en charge. Est on soi-même toujours observant de ce qu’il y a de mieux pour nous mêmes ? Non, alors pourquoi l’exiger des autres ? C’est un autre débat Et tout cela ne s’applique pas à votre maman.

Au stade où elle en est maintenant, elle a juste besoin d’humanité : et là il n’est plus question de savoir si elle veut ou pas. L’humanité, la sollicitude est un élan, un devoir porté à l’autre. Elle a besoin d’une structure d’accueil hospitalière gériatrique où on ne va pas la surcharger d’examens cliniques qui ne serviraient à rien et où on va l’accompagner dignement vers ce qu’elle s’st choisi. Motif d’hospitalisation : bilan d’altération de l’état général ou syndrome de glissement. Ou accompagnement de fin de vie . Mais au moins elle sera digne.

C’est dans cette prise en charge qu’on pourra lui dispenser des antalgiques, des anxiolytiques d’une façon non invasive et non brutale (ex patchs).

C’est vraiment demander l’impossible que de demander de suivre un tel cas au domicile : cas très lourd, nécessité d’un encadrement. Même dans des endroits dotés d’équipes mobiles, de familles présentes ce serait compliqué.

Les personnels de santé sont désemparés face à une telle situation : habitués à faire, à soigner pour guérir, ils ne savent pas comment gérer un refus de soins

Mais vous dites habiter à cinq heures de train (10 heures aller retour ?): votre maman est donc toute seule au quotidien dans cette situation depuis un an et demi ? Sans se laver, sans manger ? Elle n a pas d’escarres ? Pas attrapé la Covid ? (Elle a du refuser les vaccins) Elle n’a pas été déshydratée lors de la canicule ? C’est surprenant.

Vous

Vous avez fort bien fait d’écrire et de demander un soutien. Vous ne pouvez pas sombrer en même temps que votre maman : ce choix lui appartient mais , la seule chose que vous puissiez encore lui offrir c’est une fin digne qui ne peut être menée qu’en structure de soins même si elle en le souhaite pas.

Se faire imposer des limites fait partie de la vie depuis la petite enfance : lorsque la bienveillance est présente, cela devient indispensable car humain.

Bon courage

 

Marie-Hélène Isern-Réal Avocate 20 octobre 2022 10:12

Refus de soins et non assistance du médecin traitant  

Bonjour Emma P,

Vous êtes dans une situation difficile face à la volonté avérée de votre maman de mourir et par conséquent de refuser les soins.

Dans ces circonstances, le code de la santé publique est très clair : le patient a le droit de refuser les soins et sa volonté doit être respectée.

L’acharnement thérapeutique, c’est à dire organiser des soins dont on sait qu’ils seront inutiles et sans effet, est interdit par la loi.

C’est au médecin de convaincre son patient et de le mettre en contact avec des spécialistes s’il y a un espoir de gain, car le médecin doit toujours envisager le rapport bénéfice/risque sur le traitement qu’il entreprend.

Il semble que dans le cas de votre maman son médecin traitant a pris acte de ce qu’il n’est pas nécessaire de lui imposer des soins.

Selon ce que vous nous rapportez de ses propos : « il m'apprend que pour être hospitalisée, une personne doit présenter les caractéristiques suivantes : 1/ Mettre sa vie en danger (c'est à dire attenter à sa personne -> tentative de suicide avérée) 2/ Représenter un danger/menace pour les autres. »

Ce médecin se réfère aux conditions de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement, qui ne semble pas adaptée au cas de votre maman, compte tenu des pathologies physiques évoquées, même si, selon ce que vous décrivez, elle fait des tentatives de suicide.

MAIS, en prenant acte de la volonté de ne plus vivre de votre maman, il doit alors mettre en place l’accompagnement de fin de vie en veillant à la suppression de la douleur, physique et psychique, en mettant en place la décision collégiale qui permettra l’installation de soins palliatifs pour accompagner sa fin de vie.

Il est clair que votre maman serait sans doute mieux en établissement où elle serait prise en charge justement pour cet accompagnement de fin de vie qu’elle souhaite.

C’est à vous de voir, si vous appelez les pompiers et la faites hospitaliser aux urgences contre son gré. Et là, sa volonté pourra être respectée tout en garantissant, par une décision collégiale, obligatoire, la prise en charge de la fin de vie en soins palliatifs.

Cette prise en charge des soins palliatifs de fin de vie doit pouvoir être garantie à domicile. Mais ce n’est pas possible partout, car très lourd à organiser.

Dans une structure hospitalière spécialisée, votre maman et vous serez mieux accompagnées.

Car la loi impose aussi la prise en charge de l’entourage dans ces moments difficiles où la culpabilité risque de s’installer. Le médecin traitant doit vous soutenir dans une situation aussi douloureuse et vous convaincre, vous, de cesser le combat contre votre maman qui n’a besoin que de votre sollicitude et votre compréhension.

Emma P

Emma P

20 octobre 2022 23:15

Refus de soins et non assistance du médecin traitant  

Je vous remercie vivement pour ces deux messages qui m'éclairent particulièrement et me soutiennent. Je pense ainsi être plus au fait. Et vais donc pouvoir entamer un processus.

Ce que vous m'écrivez, j'aurais aimé l'entendre de la part de son médecin. C'est ainsi...

Plusieurs idées résonnent particulièrement : "Et aussi : qui vous dit que votre maman ne sent pas que quelque chose se passe en elle et qu’elle ne veut pas qu’on fasse quoique ce soit ?"

Je suis tout à fait d'accord.

"La seule chose que vous puissiez encore lui offrir c’est une fin digne qui ne peut être menée qu’en structure de soins même si elle en le souhaite pas.

Se faire imposer des limites fait partie de la vie depuis la petite enfance : lorsque la bienveillance est présente, cela devient indispensable car humain."

Vous avez mis des mots sur ce que je ressens, de plus en plus désemparée depuis quelques mois. Et surtout désemparée, sidérée par l'attitude récente du médecin (je l'ai eu au téléphone ce lundi). Un sentiment d'abandon total.

Ma ligne de conduite était/est toujours : j'ai tout tout tout essayé et je ne peux rien faire. Ce que je souhaite (la seule et dernière chose que je puisse faire) est qu'elle soit prise en charge par des professionnels. Je respecte sa volonté (sa redoutable liberté mais SA liberté). Mais je ne peux accepter qu'elle (ou quiconque. Même un animal !) meure ainsi dans la souffrance et l'indignité.

Et surtout je ne peux pas assumer cela. Je ne peux pas assumer cette responsabilité. Elle ne peut pas me demander d'assumer cela, la laisser mourir dans la souffrance et l'indignité. En vous lisant, j'ai pris conscience de cela.

Comme vous l'écrivez : "Se faire imposer des limites fait partie de la vie depuis la petite enfance : lorsque la bienveillance est présente, cela devient indispensable car humain."

Ce chemin (de réflexion) ainsi parcouru va me permettre de passer outre et donc d'agir. Vos propos (les seuls que j'ai pu recevoir de la part de professionnels) me confortent dans ce que je ressens intimement.

Alors, je pense que cela va être très difficile d'un point de vue logistique : rappeler ce médecin, non, puisque j'ai reçu une fin de non recevoir. Il me reste les pompiers ? Le SAMU ? 

Ma fille m'a proposé aujourd'hui que nous nous organisions pour aller toutes les deux là bas et l'emmenions de force toutes les deux aux urgences psychiatriques. Elle m'a expliqué que là bas une sorte de "tri" est effectué par les infirmiers / médecins pour réorientations vers différents hôpitaux / services (ma fille travaille en CMP dans notre région).

L'objectif pour ma mère étant qu'elle soit intégrée dans un service de gériatrie. Mais nous ne pouvons pas nous présenter directement en gériatrie... donc passer par l'urgence psychiatrique car elle ne relève pas des urgences "classiques" il me semble.

Voilà à présent notre prochain objectif.

Merci pour votre écoute et vos conseils.

 

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Julien david

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