Partie 2 – Maladie à corps de Lewy : le déni du conjoint et le refus d’aide

Partie 2 – Maladie à corps de Lewy : le déni du conjoint et le refus d’aide

La démence est une maladie qui fait peur et il arrive parfois que le proche se réfugie dans le déni, pour fuir une réalité qui lui est insoutenable. Voici la suite de l’histoire de Marc, dont le père, devant la maladie de sa femme, a refusé de voir la réalité en face. 

Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que votre maman était atteinte d’une maladie à Corps de Lewy?

Au moment du rendez-vous, j’étais impatient de savoir. Le médecin nous a donné les résultats des tests et nous a dit que « c’était pas bon » et que « ça ressemblait plutôt à une démence à corps de Lewy ». Pour moi, ça a été un grand choc. J’avais lu pas mal de choses sur la maladie d’Alzheimer mais je ne savais rien sur cette maladie si ce n’est que, à la façon dont le médecin nous l’a annoncé, je me suis dit que c’était très grave. Mon père n’a pas réagi et ma mère non plus mais je pense qu’elle ne se rendait pas compte à ce moment-là. Elle n’a rien dit. Le médecin nous a dit qu’il fallait faire un dossier d’APA et prévoir des aides à domicile pour l’aider. C’est vrai que depuis qu’elle était rentrée du Portugal, elle oubliait beaucoup de choses et je voyais quand je venais qu’il y avait un certain « laisser aller » à la maison. 

Que s’est-il passé ensuite ?

Le médecin nous a orienté vers une association qui pouvait nous aider à trouver des solutions. Ils m’ont d’abord donné le dossier APA en précisant que cela pouvait mettre deux mois avant de percevoir l’allocation pour financer des aides à domicile. Quand on est rentré chez mes parents, j’ai dit à mon père que j’allais m’en occuper avec ma sœur. Et là mon père a tout de suite dit que ce n’était pas la peine de « se lancer là-dedans » car ils avaient prévu de repartir au Portugal d’ici deux mois et que là-bas, y avait la famille pour s’occuper de sa femme !!! Là je me suis dit que mon père était inconscient et qu’il n’avait pas bien compris la gravité de la maladie de ma mère. Je lui ai dit que ce n’était pas sérieux de partir et je lui ai demandé ce qui se passerait s’il arrivait quelque chose à maman là-bas. Elle ne pouvait plus rester seule. Il m’a répondu qu’il y avait tout ce qu’il faut et que sa sœur s’en occuperait. 

Puis ils sont partis. Je ne pouvais pas l’empêcher et ma sœur non plus ! Faut dire que mon père a toujours fait ce qu’il avait envie. Ma sœur et moi, on était impuissants et surtout très inquiets car nous on restait là. J’étais très en colère contre mon père, je le trouvais égoïste et on s’est un peu fâché. Ma mère n’était plus en capacité de réagir. Elle semblait de plus en plus absente et même physiquement, elle se voûtait. Et puis comme je vous le disais, elle a toujours suivi mon père et fait ce qu’il voulait. 

Et puis évidemment, là bas, elle a fait une chute et s’est retrouvée à l’hôpital. Mais pour mon père tout allait bien, il n’était pas question de rentrer plus tôt. Ce n’était pas grave. Je n’avais pas confiance alors j’ai donc pris des jours de congé pour aller les retrouver à Lagos et me rendre compte par moi-même. J’avais l’intention de ramener ma mère sur Paris. 
Vous savez c’est difficile cette situation ! Vous êtes l’enfant mais vous sentez bien que vous n’avez pas de légitimité. J’étais tiraillé entre l’envie de m’occuper de ma mère et le fait que mon père me faisait comprendre que c’était lui qui décidait. Et puis j’avais ma vie, ma famille, le travail. C’était compliqué. 

Pendant cette période, on s’est beaucoup parlé avec ma sœur. Elle aussi a une vie bien remplie. On s’est demandé ce qu’on pouvait faire. On se sentait dépossédés ! Alors on a décidé d’attendre leur retour sur Paris puisque de toute façon, on ne pouvait rien faire de plus. 

Et aujourd’hui ?

Je suis très en colère contre mon père. Quand ils sont revenus, j’ai vu que mon père était très fatigué et qu’il était perdu. Depuis le diagnostic, il n’a jamais voulu savoir ce qu’était la maladie de maman ni comment ça évoluait. Mais là, il voyait bien ce qui se passait. Ma mère ne pouvait plus faire grand-chose, elle oubliait… Là mon père a bien vu qu’il ne pouvait plus la laisser seule. Alors, je lui ai dit que je pouvais m’occuper de trouver des professionnels à domicile pour l’aider car ma mère ne faisait presque plus rien. Et là, il a fini par accepter. Il se rendait compte enfin ! 

Aujourd’hui, la maladie a beaucoup évolué. Ma mère ne peut plus communiquer avec nous. Elle s’est complètement enfermée. Elle semble absente quand on vient. Elle ne sort plus du tout et elle a du mal à marcher. 

Je suis triste de la voir comme ça. Je sais qu’on ne peut rien y faire mais maintenant, ma sœur et moi, on s’inquiète pour notre père. On se demande s’il ne vaudrait pas mieux qu’elle aille dans un établissement spécialisé car on se dit que pour notre père, ça va être très difficile au quotidien. Pour l’instant, j’ai réussi à mettre un service de maintien à domicile et la toilette pour le matin. Mais jusqu’à quand on va pouvoir continuer comme ça ? Ma sœur et moi on culpabilise. Pourtant, on a fait tout ce qu’on pouvait. 

Finalement, maintenant, je me demande ce que cela aurait changé si notre père n’avait pas été dans le déni et s’il avait accepté dès le début d’être aidé. Au moins, je me dis qu’il a continué à vivre comme avant et que tout ce temps où il a tout refusé, ça n’a pas empêché la maladie d’évoluer. Et puis je m’interroge aussi sur la place des enfants dans une situation comme la nôtre. Bien sûr, si elle avait été en danger, ça aurait été différent. Alors on continue ma sœur et moi à voir nos parents et aujourd’hui, on essaye surtout de montrer à notre père qu’on est là et qu’il peut compter sur nous. 

Lire la 1ère partie du témoignage de Marc 

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