Partie 2 – Quand la dépendance survient et que la fratrie s’expose pour le pire

Partie 2 – Quand la dépendance survient et que la fratrie s’expose pour le pire

Dans la première partie de son interview, Claude nous parlait de la perte d’autonomie de sa maman, accentuée après un passage à l’hôpital. Elle revenait également sur les relations familiales difficiles qu’elle a été amenée à connaître.

Vous êtes donc repartie chez vous et votre sœur a pris le relais une semaine…

Oui, on s’est croisées juste la veille pour que je lui dise quoi faire avec maman et qu’elle devait réceptionner le matériel médical. À peine arrivée, elle a rangé ses petites affaires et alors là, je n’ai pas compris. Elle m’a dit qu’elle voulait récupérer les bijoux qu’elle avait offert à notre mère et a repris le manteau qu’elle lui avait acheté en me disant : « tu comprends maintenant, elle n’en a plus besoin ». Comme ma mère s’était fait voler un collier il y a un an à peu près, l’aide à domicile m’avait appelé pour me proposer de réunir tous ces bijoux dans une boîte fermée à clé pour qu’il n’y ait pas de problème. Je suis donc allée chercher la boîte pour qu’elle puisse reprendre ses bijoux, enfin ceux de notre mère en vérité ! J’étais dépitée. Je l’ai regardée droit dans les yeux en lui demandant ce qu’elle craignait. Elle m’a répondu : « avec tout ce qui se passe, je préfère les reprendre et de toutes façons, ça ne lui servira plus ». Bref, elle l’avait déjà « enterrée ». Ne comprenant pas son attitude, je lui ai demandé si elle pensait que j’allais voler notre mère. Elle a regardé ses chaussures et m’a dit : « non bien sûr mais bon je préfère les reprendre ». J’étais tellement épuisée que je n’ai rien dit. Après tout, j’ai ma conscience pour moi et son attitude était tellement écœurante que je suis restée sans voix. Et puis, elle parlait de notre mère devant elle comme si elle ne comprenait rien. Bien sûr, elle a des troubles cognitifs importants mais elle est encore capable de comprendre les choses. C’était d’un irrespect ! Je n’aurais jamais imaginé qu’elle puisse avoir une telle attitude à l’égard de sa mère devenue dépendante. J’avais déjà l’un de mes frères qui ne pensait qu’à voler sa propre mère et maintenant elle qui faisait l’inventaire de la maison et qui récupérait ses cadeaux…

Comment s’est passée la semaine de votre sœur chez votre maman ?

Je ne sais pas trop mais quand elle m’a appelée pour me dire que tout avait bien été livré, elle semblait agacée de devoir s’occuper d’elle : « il faut tout faire maintenant, elle ne fait plus rien. On ne peut plus parler, elle ne se souvient de rien et elle pose toujours les mêmes questions ! ». « Eh oui, elle a 96 ans », lui ai-je répondu. En fait, elle avait déjà « enterré notre mère ». Ce qui la préoccupait, ce n’était pas la dépendance mais ce qu’elle allait récupérer après. Elle m’a demandé d’une petite voix : « tu sais combien on peut vendre l’appartement ? » et « au fait j’ai récupéré un plat qui venait de mamie. Comme c’était ma marraine, ça me revient ! » À certains moments, je préférerais être sourde que d’entendre des horreurs comme ça. Je n’imaginais pas que l’entrée dans la dépendance d’un parent pouvait provoquer de telles attitudes de la part de ses enfants. J’avoue être écoeurée. Mais ce n’est pas tout.

Comme je n’avais pas eu ma mère depuis mon retour, je l’ai appelée un soir et ça m’a agacée de voir que c’était ma sœur qui décrochait alors que ma mère le fait très bien encore.

Et là, heureusement que j’étais assise car elle a pris sa petite voix mielleuse et m’a dit : « au fait, tu sais le collier qu’elle a autour de son cou, tu pourrais le mettre de côté pour ma petite-fille ! ». J’étais soufflée. C’en était trop. Je lui ai dit que je ne comprenais pas bien sa demande. Est-ce qu’elle voulait que je lui enlève tout de suite ou pouvait-elle attendre qu’elle soit morte ? Voulait-elle aussi que je lui enlève les bagues qu’elle porte depuis toujours ? Je n’ai rien pu dire d’autre tellement j’étais écoeurée. Je savais bien que ça existait dans les familles et que quand le proche est dépendant, la famille a parfois tendance « à l’enterrer vivant ». C’est dur ce que je dis mais je le pense.

Comment vous sentez-vous maintenant ?

J’ai honte. Honte d’avoir un frère et une sœur qui n’en veulent qu’à l’argent et aux biens de leur mère.

Je dors mal depuis mon retour car je n’arrête pas d’y penser. C’est comme une blessure qui mettra du temps à se cicatriser. En tous cas, je ne veux plus avoir aucun contact avec eux. Je sais que mon frère m’en veut d’avoir déjoué ses plans et j’avoue que j’en tire une grande satisfaction. Quant à ma sœur, elle me dégoûte. J’avais déjà très peu de contact avec elle mais là, c’est terminé.

Je ne suis pas croyante mais j’espère aussi que mon père, qui est parti il y a 8 ans, ne voit pas ça. Lui qui avait tout prévu pour que ma mère puisse finir ses jours tranquillement et qu’elle n’ait pas de souci d’argent, il doit « se retourner dans sa tombe » comme on dit. Je n’ai pas eu d’enfant. Je l’ai regretté parfois mais quand je vois ça et d’autres histoires familiales qu’on m’a racontées, je suis contente de ne pas en avoir eu.

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